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L’Histoire de notre Peugeot 301 de 1932 et des motoculteurs

Il est rare de pouvoir connaître l’histoire exacte des objets et véhicules de notre collection. Et c’est pourtant une des choses qui nous anime le plus.
Savoir à qui ces objets ont appartenu, et connaître le quotidien de leurs propriétaires, n’a pas de prix.

Et nous avons une chance incroyable grâce à Mme Cangeloni, de pouvoir raconter une tranche de vie de ces objets qui nous ont été confiés. Mieux. Nous n’allons pas vous la raconter. Nous allons laisser notre généreuse donatrice le faire.

Vous trouverez ici (cliquez pour récupérer le fichier PDF) le récit accompagné de photos d’époque, de Mme Cangeloni que nous remercions chaleureusement pour son accueil, sa gentillesse, et pour toute la confiance qu’elle nous accorde, en nous cédant ces morceaux incroyables de son patrimoine familial, de son histoire personnelle. Nous en prendrons soin.

 

Cette voiture est la première acquise par mes parents alors qu’ils étaient jeunes mariés.

Enfant, j’ai parcouru quelques belles régions du sud de la France assise à l’arrière sur les coussins vieux rose de cette Peugeot.
Peu de personnes avaient alors un véhicule. Mes parents en étaient fiers. Les temps ont évolué et finalement, ils ont opté pour une 2CV. Mais, ils n’ont jamais pu se séparer de cette première voiture qui est restée remisée sur cales dans le garage. Je pense qu’ils seraient heureux de la savoir exposée au public et digne de figurer dans ce Musée.

 

Mon père, Ottorino Cangeloni, rapidement surnommé Victor, est né en Italie à Cortona le 13 novembre 1922. Il vient en France vers trois ans avec ses parents. C’est l’époque de l’émigration italienne pour raison de pauvreté extrême. Ils s’installent finalement à Marseille.

 

À la Libération, en rentrant du Service du travail obligatoire en Allemagne, il rencontre au bal Anna Guazzini. Ma mère est née le 29 août 1926 à Tizzana. Elle arrive en France vers l’âge de deux ans, son père, hostile au régime de Mussolini s’étant expatrié. Il est agriculteur. Après quelques années d’errance, la famille s’établit à Marseille dans la campagne de la Villa Rose dont mes grands-parents maternels deviennent métayers agricoles. À la mort de mon grand-père, ma mère âgée de 38 ans quitte son métier de couturière pour reprendre l’entreprise familiale afin de pouvoir rester sur cette propriété vu les exigences d’un bail d’exploitation agricole. Elle se découvre rapidement une passion pour la terre.
Mon père travaillait à Marignane Sud-Aviation en tant que contrôleur des hélicoptères avant décollage.

 

Lui aussi s’éprend de l’agriculture. Après le décès de mon grand-père, il aide ma mère et ma grand-mère au travail agricole tout en continuant à exercer sa profession à l’Aérospatiale. C’est dire que ses week-ends, ses congés et sa retraite ont étaient bien occupés !

 

Cette voiture désormais ancienne est un symbole de la jeunesse de mes parents, quand insouciants, libres, amoureux, ils partaient à l’aventure sur les routes des vacances après avoir lustré à la main leur belle de métal.
Imaginez cette époque où sur quatre roues à moteur on pouvait prendre le temps de traîner pour admirer un paysage, s’arrêter soudainement pour photographier un panorama, pique-niquer tranquillement installés aux abords d’une route pittoresque longée par un talus d’herbe en laissant l’enfant que j’étais jouer en toute sécurité sur le macadam. Et, s’enlacer…
Sans oublier de lui donner à boire à cette belle qui commençait à chauffer !

 

 

 

Mon grand-père Italo Guazzini est né le 28 avril 1895 en Italie. Vers la trentaine, il épouse ma grand-mère Maria Scaffaï née le 17 juillet 1897 à Caténa. Tous les deux faisaient partie d’une fratrie nombreuse et pauvre. Cette situation incita les Guazzini à rechercher en France une terre de salut, d’autant que le régime fasciste sévissait dans leur pays. Ma grand-mère, jeune maman, quitte toute sa famille pour suivre son mari. Les voilà partis sans rien vers un tel inconnu ! Ils atterrissent en Provence, elle comme femme de ménage, lui comme laitier, puis comme maraîcher et cultivateur à Marseille où ils s’installent définitivement. Le métier de paysan est pour mon grand-père le plus beau métier du monde. Nous étions très proches. J’ai hérité une sensibilité écologique de cet amoureux de la terre qui ne pouvait manger que les fruits et les légumes de son jardin. Cultivés sans engrais avec pour tout fertilisant le fumier de cheval qui arrivait par tombereau. Il sentait fort pendant que la fourche le distribuait dans les sillons où étaient bientôt repiqués les plants de tomates, d’aubergines, de courgettes, de haricots et de poivrons.

 

Italo faisait son propre vin avec le raisin de ses vignes. À dire vrai, c’était plutôt une piquette dont la qualité principale était d’être naturelle. Je me souviens du jus giclant des grappes écrasées sans merci par le pressoir. J’ai parfois tourné la manivelle. Les jambes nues de mon grand-père enjambaient la cuve pour en ressortir maculées de violet. Ses pieds avaient longuement pétri les grains blancs et noirs. Les jours suivants un chant bruissant montait de cette fermentation. Le chant du vin.

Ma grand-mère contribuait avec l’élevage des lapins et des poules et les cueillettes maraîchères. À la mort de son mari, elle a fourni le travail d’un homme. Usant ! Soutenue par un amour immodéré de sa tâche paysanne. À cette époque, les outils agricoles sont manuels. Un premier motoculteur fait son apparition dans l’exploitation. C’est celui fabriqué artisanalement à partir d’un moteur Bianchi ! Les autres suivent sous l’influence moderniste de mon père. Aujourd’hui, ils sont dépassés. Heureusement, il existe des musées pour conserver ces objets qui ont accompagné une vie de labeur.

Motoculteurs, j’imagine votre bonne volonté serviable, vos exploits, votre fatigue. J’imagine votre sommeil comme une bête abritée pour la nuit sous le hangar. Chevilles, râteaux à foin, serpettes, faux, faucilles, fourches, broyeurs, balances, sarcloirs, marteaux, scie à bois, charrue à soc, j’imagine l’odeur des mains transpirantes déposée sur vos manches au fil des années. J’imagine les enthousiasmes, les coups de gueule, les déceptions, les efforts, les triomphes dont vous avez été témoins complices. Je connais votre fierté du travail bien fait. Votre usure n’est pas signe de déclin. Elle raconte une intimité aimante tissée au fil du temps.

 

 

Viviane Cangeloni,
avec mes remerciements
au Musée Agricole et Automobile de Salviac

 

Retrouvez notre article sur l’arrivée de ces objets, et les photos : ICI

2 Responses

  1. Lebrun Alain dit :

    Voila une belle histoire , il est toujours agréable de connaitre le passé de nos anciennes.
    Peut être pourrons nous en parler demain a la foire de Caminel……..Nous arrivons demain matin .
    En souhaitant vous rencontrer demain comme tous les 11 Aout .
    Amicalement .
    Alain et Sylvie .78 Yvelines

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